En 1054, le saint évêque comte de Cambrai, Liébert, entreprit un pèlerinage aux Lieux-Saints de Jérusalem. Les 3000 diocésains qui l'accompagnaient ne purent arriver au but en raison de multiples dangers. Aussi fidèlement que possible, st Liébert voulut alors reconstituer, dans sa ville de Cambrai, le cadre et le pèlerinage de Jérusalem.
Cambrai, dit son biographe, s'y prêtait merveilleusement : le site était, en tous points, semblable à celui de Jérusalem.
Dans les 2 villes, un ruisseau coulait à l'orient au pied d'une colline plantée d'arbres.
A Jérusalem, c'était la colline boisée de Gethsémani au pied de laquelle se trouvait le torrent du Cédron.
A Cambrai, c'était la colline du Mont-des-Bœufs, avec le verger de l'abbaye de St-Géry qui se trouvaient au site actuel de la Citadelle et du Jardin des Grottes ; cet ensemble était séparé de la cité par un filet d'eau, le Riot St-Géry, à quelque distance (rue actuelle Ernest-Lepot) du mur d'enceinte.
St. Liébert (tableau à l' entrée de la sacristie).
C'est là que st Liébert fit bâtir une abbaye de moines bénédictins avec une église semblable à celle de Jérusalem, dédiée en l'honneur du "Saint et Benoît Sépulcre de Jésus-Christ". Les chroniques rapportent des faits célestes lors du choix du lieu puis de la consécration de l'abbatiale. Liébert y fit apporter les corps de 22 saints du diocèse et dota l'abbaye de très nombreux biens et privilèges. Le st évêque y fut inhumé en 1076.
Ses successeurs continuèrent de doter l'abbaye, tout en transformant les bâtiments au gré de dégâts subis ou d'agrandissements souhaités. La transformation la plus radicale eut lieu à la fin du 17è siècle. Elle s'est produite peu de temps après l'arrivée à Cambrai du premier et si célèbre archevêque français, François Salignac de la Mothe-Fénelon.
C'est le 13 février 1696 que fut posée la première pierre. Le bâtiment fut achevé en 1703. Il s'agissait de la structure de la Cathédrale actuelle, à l'exception de la chapelle St-Michel, des chapelles du contour du chœur ainsi que du petit portail au pied du clocher. Ce dernier avait alors la forme d'un campanile carré avec horloge, couronné d'un petit toit en forme de pyramide avec urnes flamboyantes et petites flèches. Ce clocher était surmonté de la statue du Christ ressuscité brandissant la Croix du Sauveur. La façade était moins chargée ; de chaque côté de la croix se trouvait un personnage assis présentant, l'un les tables de la Loi, l'autre le livre des Evangiles.
Clocher St. Sépulcre.
Les aménagements étaient impressionnants : marbre, grilles, vitraux, sculptures, jubé, carillon de 32 cloches… Ces aménagements furent d'ailleurs continus : ainsi, de 1756 à 1760, le peintre anversois M.S. Geeraerts exécute, d'après Rubens, 9 grandes toiles que l'on peut toujours admirer. Ce sont des grisailles en trompe l'œil, reproduisant magnifiquement l'effet de la sculpture. Elles mettent en scène la vie de la Vierge Marie et la Passion du Christ ; la 9ème, le Christ en croix, se trouve en Sacristie du Chapitre métropolitain.
Annonciation. |
Christ en croix (dans la sacristie du Chapître).
La période révolutionnaire fut à la fois tourmentée et d'heureuse issue pour le bâtiment. En 1790, l'abbatiale fut désaffectée pour être réouverte l'année suivante comme église paroissiale. Le 8 mai 1794, l'église est transformée en temple de la Raison à l'arrivée du célèbre et sinistre Joseph Lebon. Celui-ci y déclamait du haut de la chaire qu'il appelait "son Tonneau de Diogène". Cette chaire est demeurée jusque l'incendie de 1859.
Entre temps, le clocher, marquant des lézardes, fut démoli en 1792. C'est l'ensemble du bâtiment qui risqua ce sort lorsqu'il fut vendu comme bien national. Mais, heureusement, en juin 1800, l'administration municipale en interdit la destruction ainsi que celle de l'abbatiale de St-Aubert, l'actuelle église St-Géry. De cette période, il ne demeura, pour la ville de Cambrai, que ces 2 bâtiments cultuels, alors que disparaissaient 22 églises de couvents, 10 églises paroissiales ainsi que la fameuse cathédrale métropolitaine Notre-Dame.
Or, comme annoncé, l'actuelle cathédrale de Cambrai révèle, manifeste et prolonge cette célèbre cathédrale métropolitaine Notre-Dame de Grâce tant sur le plan de l'histoire que sur celui de la vie chrétienne. En effet, après le concordat de 1801, l'évêque Louis Belmas rouvrit l'église du St-Sépulcre d'abord sous le vocable paroissial de St-Géry, puis pour en faire sa cathédrale Notre-Dame. Avant d'en arriver aux transformations et aménagements effectués depuis pour cette fonction, prenons conscience de la place de la cathédrale à Cambrai.